« La génération dont nous parlons s’exprime dans ce paradoxe : des jeunes gens qui mêlent la rapidité, l’urgence et la suspension, le contretemps » Stephane Hugon, docteur en sociologie, institut Eranos.
Mais, jusqu’ici tout va bien.
Comment pourrait-il en être autrement dans un monde où se confondent tyrannie de la compétition et de la vitesse, et injonction au bien-être ?
Et si la meilleure des universités était celle de la débrouille, de la singularité, celle où on valorise la différence, et l’échec en tant qu’expérience, où l’on apprend que la richesse se mesure par le respect et la connaissance plutôt que l’excès et la performance.
Mes personnalités favorites sont ces « misfits », ces « aliens », celles qui face à l’épreuve, au lieu de s’abandonner à une carrière de victime, transforment les difficultés en force et les utilisent pour inspirer. Ce sont ces visionnaires, ces enseignants, ces étudiants engagés…
Ces nouvelles écoles qui jouent un rôle majeur dans un monde et des codes à réinventer, portent l’espoir d’une révolution culturelle et artistique. Farida Cagniard de l’école de cinéma Kourtrajmé, Tania Haikal de Yard School (workshops créatifs), Christopher et Bastien de 0-93.lab (initiation au design de mode et aux arts visuels), Nadine Gonzales et Caroline Tissier de la Casa 93 (formation de mode engagée dans plus de diversité, d’égalité et d’éco-responsabilité). Le 5 septembre dernier, j’étais invitée à raconter l’épopéeCasa 93 au micro de Giulietta aka Piupiu de Rinse France, lors d’un talk sur « Les nouvelles écoles » dans le cadre de l’exposition acérée « Jusqu’ici tout va bien », au Palais de Tokyo réalisée par les élèves de l’ Ecole de cinéma Kourtrajmé .
La jeunesse, contradictoire de tous temps, a envie de rêver et elle a raison de s’y accrocher, mais la réalité ne fait pas de cadeaux, et l’enseignement est là pour les reconnecter à elle.
« Il y a un équilibre entre les difficultés de la vie et l’idée que tout est possible. Nous devons leur rappeler la réalité, l’idéal est qu’ils s’accordent du temps pour ce qui les fait vibrer… ils sont à l’école à vie, on continue de les accompagner sur leurs projets hors cursus », développe Farida Cagniard, directrice de l’école de cinéma Kourtrajmé à Montfermeil.
« Actuellement, les jeunes avec les réseaux sociaux pensent que du jour au lendemain ils peuvent devenir une star sans travailler, notre rôle est de leur montrer qu’avant d’arriver à ces sommets, tout péter, derrière, il y a du travail. Donc il faut reprendre les bases et ne pas avoir peur de prendre des uppercut, on doit les faire redescendre et reconnecter à la réalité. », explique Christopher, co-fondateur de 0-93.lab à Aulnay-sous-bois.
« Le modèle d’éducation classique nous a donné envie de faire tout le contraire. Koutrajmé est une aventure collective pour les écoles mais aussi pour les encadrants… on oblige les élèves à la débrouille, au système D… », raconte Farida
« Dans les quartiers, il n’y a pas de mélange, les jeunes restent dans leurs quartiers, ils ne vont pas voir ce qui se passe à l’extérieur. Notre but et de créer de l’alchimie, mélanger et partager des savoir-faire, l’amour de la mode, de la photo… ensuite, on se rend très vite compte qu’entre eux, ils vont à des expo de leur propre initiative, ils se construisent leurs univers, cassent ce cliché « paris/banlieue » et prennent le RER ensemble, pour découvrir la capitale » observe Christopher.
Pour Tania, en charge du projet Yard School, tout reste possible malgré un système annihilant.
« La raison pour laquelle la Yard School existe, c’est parce que le modèle de l’école classique est obsolète, il ne remplit pas son rôle, il oubli du monde en chemin, il ne s’attèle pas à faire d’un jeune la meilleure version de lui-même, mais veut le faire rentrer dans un moule… on est tout ce que n’a pas fait la conseillère d’orientation ».
Toutes ces écoles ont en commun une vision aux antipodes du système scolaire standard, et viennent même pallier son rôle, là où il a failli. Elles brisent les inégalités et les clivages liés au manque de revenus ou encore au milieu d’origine.
« La casa 93 est aux antipodes du système scolaire actuel, puisque c’est au contraire une ode à la différence et à la singularité. Moins ton parcours est conventionnel et plus tu as de chances de rentrer à la Casa. Dans les écoles ordinaires, on va pointer l’échec et l’erreur, plutôt que d’encourager ce process de l’apprentissage et de la créativité » selon moi.
Toutes ces écoles observent une génération plus engagée, consciemment ou pas.
« Les jeunes ont une volonté s’engager et savent qu’à leur niveau ils peuvent agir sur des enjeux globaux, même quand on est un jeune de banlieue, d’autres pensent que ça fait bien d avoir une cause à défendre », selon Tania.
Ces écoles rencontrent un engouement important de la part de la jeunesse en questionnement sur le sens de leur travail et de leur avenir. Pour se développer davantage et pouvoir accueillir plus de jeunes, la question des financements reste cruciale.
« Nous avons toujours besoin d’être soutenu, de plus de moyens pour accueillir plus de jeunes, sans nécessairement courir après la reconnaissance et les certifications parce qu’elles peuvent impliquer des contraintes et du ralentissement(…) La reconnaissance se fait par la qualité des travaux des élèves… », indique Farida.
Concernant les métiers de demain et notamment question de la « Sustainability » dans la mode, je répondais à un point crucial : le fait que les étudiants de la Casa 93 soient formés à des pratiques écologiquement durables, et socialement responsables. Ce sont des valeurs fondatrices, ce qui les forme à des métiers de conseil ou de création que l’on commence à peine à entrevoir, ils auront cette longueur d’avance sur les besoins de l’industrie en création et réflexion mode durable.
Pour la suite, chacune des ces écoles souhaite développer les disciplines et les territoires, Koutrajmé ouvre notamment une école à Dakar et Koutrajmars, à Marseille pour former aux métiers de techniciens.
Retrouvez l’intégralité de la table ronde en vidéo ici
Ou sur le podcast de Rinse France
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